22.9.14

Le boulot d'antan

Dans ce tout petit coin de Belgique, essentiellement ouvrier et frontalier avec la France, il n'était pas rare que l'on soit "briqu'teux" de père en fils, tout comme l'étaient, dans d'autres familles, les tisseurs qui allèrent travailler à Armentières, cité de la Toile toute proche, de l'autre côté de la Lys.

Vêtu d'un "bleu" et coiffé d'une petite casquette ronde à visière molle, le briqu'teux se rendait à la briqueterie à vélo, la "musette" sur le dos, contenant le casse-croûte et la gourde. Dans la rue du Touquet, encore pavée, très tôt le matin, on y voyait des "pelotons" de briquetiers à vélo qui se hâtaient de pédaler pour arriver avant que ne retentisse la sirène, à "moins cinq" encore focntionnelle aujourd'hui.

Photo… prétexte !   Déjà ! 
L'été, durant la pause de midi, les briquetiers se rassemblaient le long de la "Forge", en s'asseyant, le dos contre le mur, pour manger les grosses tartines garnies d'une belle tranche de lard. Au soleil, à ces quelques minutes de détente salutaire entrecoupées de bonnes blagues, de moqueries s'ajoutaient de fréquents appels, sifflés à l'adresse des demoiselles timides qui passaient en bicyclette, la jupe au vent. Ca leur donnait du coeur à l'ouvrage pour l'après-midi.

L'hiver, ou par temps pluvieux, la cantine jouxtant la rangée de maisons ouvrières pouvait les accueillir. Aménagée en un ordinaire estaminet d'après-guerre, elle était aussi un lieu de rencontre privilégié en fin de quinzaine, surtout lorsque les plus assoifés tenaient à venir y placer leur paie... dans le comptoir.

Au point de vue rendement au travail, le lundi était un jour spécial : il n'était pas rare de prolonger amplement les libations du dimanche en s'échangeant, dans leur savoureux patois, les toutes dernières nouvelles.
Mais le lendemain…  priorité au boulot ! Car le briq'teux savait faire la part des choses !



Le labeur du briquetier consistait surtout en un travail de manipulation : saisir une brique, fraichement moullée, bien sèche ou juste cuite encore toute chaude pour la déposer là, sur un rayon de séchoir ou sur un wagon, ou encore la jeter vers un camarade, lorsqu'il fallait les stocker en hauteur. Un métier dur qui mettait les hommes et des femmes à rude épreuve car... il fallait suivre la cadence des copains de travail et l'âge n'apportait aucun privilège. L'effort physique, dû un geste mille fois répété, engendrait fréquemment des maladies professionnelles localisées au niveau des vertèbres rendues douloureuses par la croissance de... "becs de perroquet".

Pour saisir les briques, parfois brûlantes au sortir du four, les briqu'teux s'enfilaient les doigts dans des "maniques" en caoutchouc découpées selon un modèle précis dans de grosses chambres à air : un petit morceau pour le pouce, une pièce plus grande pour les quatre autre doigts.

Le travail s'effectuait au rythme des saisons et les campagnes briquetières démarraient avec l'arrivée du printemps.

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